LA TRAGÉDIE DU BELGE
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Au départ, une rupture. Un jour d'août, quelqu'un se fait larguer par le Belge, passe son lendemain et surlendemain à pleurer, et le lendemain du surlendemain demande à sa famille de rejouer sa tragédie amoureuse. « Ainsi est née la Tragédie du Belge. »
De ce prologue énoncé par tout-e-s les comédien-ne-s, on retient qu'on ne saura pas à qui l'histoire est arrivée et même si elle est vraiment arrivée, mais surtout que l'endroit du jeu sera ici l'endroit du défouloir, celui de l'exorcisme de la Tragédie du Belge jouée, rejouée, surjouée par des personnes qui ont de l’affection pour celle qui en fut la victime.
L'espace de jeu, plutôt que la scène, se définit ou plutôt s'éclaire à la lumière de ces quelques phrases de prologue : ici c'est une famille qui joue, on est dans le lieu de la famille, on fait avec la spontanéité des gens qui l'habitent, avec les objets qu'on trouve, on a fouillé un peu, on a enfilé trois machins, mis un paravent au fond pour cacher ce qui doit l'être, délimité un carré qui sera la scène, un endroit pour le choeur et ses chants, et c'est parti. Ce n'est pas une esthétique du « on fait avec les moyens du bords, on est particulièrement pauvres mais regardez ce qu'on est inventifs », c'est l'esthétique du peu nécessaire à la naissance du jeu, et de la familiarité, du souvenir. En témoigne la façon aussi dont les acteurs/trices échangent de rôle, souvent dans un désarroi total, comme lâchés dans l'inconnu, et essaient de s'en sortir en plongeant jusqu'aux orteils dans l'incarnation brutale, qui en devient burlesque ; la façon encore qu'a le choeur (dont la chanteuse Camille a assuré la direction musicale) d'être sournois, à mettre les mots du texte sur des airs de comptines qu'il déforme, arrête sans crier gare, brusquement, puis qui au fur et à mesure se permet d'oublier les mots et leur sens pour se plonger dans la poésie du son, du chant, de la polyphonie.
Alors, oui, bien entendu, la Tragédie du Belge, contrairement à ce que son titre est censé laisser supposer, c'est drôle. C'est très drôle, d'un humour absurde, gras, pétillant, puissant, rageur, et qui met les corps de celles et ceux qui le traversent sur scène dans le même état : absurdes, gras, pétillants, puissants et rageurs. Ça raconte la peur de ne pas comprendre, la joie de raconter son histoire comme on veut, l'envie frénétique de partager, de rire des choses qui ont été graves pour soi, la façon qu'a l'émotion de toujours pointer le bout de son nez, timide mais résolument là, ça raconte la folie qui nous prend, l'enfance qui guette, les choses qui lâchent, le monde qui ne tourne pas rond, la violence d'en rire, parce que parfois il n'y a rien d'autre à faire, et que ce n'est pas plus mal.
Matthias Claeys
La Tragédie du Belge Texte : Sonia Bester Mise en scène : Sonia Bester et Isabelle Antoine Direction musicale : Camille Avec : Diane Bonnot, Robin Causse, Ava Hervier, Géraldine Martineau et Angèle Micaux Crédit photo : Sarah Seené http://madamelune.com Du 4 au 14 mars 2014 à 21h (du mardi au vendredi) La Loge 77 rue de Charonne – Paris 11 – Métro Charonne, Bastille www.lalogeparis.fr – 01 40 09 70 40 Les 16, 17 et 18 avril 2014 à 19h Rennes, Festival Mythos à l'Aire Libre www.festival-mythos.com