BOVARY - FARCE SOMBRE
Spectacle de Mathieu Huot / compagnie Mahu / La Loge
Un acteur sur talons, affiné à l'extrême dans son corset, le visage empailleté, qui prend des postures dans des draps, et ne réussit pas à faire ce qu'il entend, n'entend pas faire ce qu'il prétend, allons savoir. Un acteur, le même, sans les draps, qui nous parle autour d'un thé. Puis, toujours lui, qui danse, puis, encore lui qui regarde avec nous Sissi, puis toujours lui, sur du Patricia Kaas, puis encore et toujours lui, seul en scène, seul, tout seul...
Dans l'attente perpétuelle de l'évènement, dans la recherche sombre de l'exaltation, de l'apothéose, du plein.
C'est un spectacle difficile, et peut-être nécessairement. Mathieu Huot lui donne la forme de son discours, ce qui rend la narration erratique, déséquilibrée, brutale. Il réclame de nous la volonté d'être avec le spectacle, d'être dedans, de le traverser. Il réclame de nous qu'on sache s'ennuyer quand il n'y a rien à voir, rien à entendre, et qu'on accepte que cet ennui fait partie intégrante d'un tout, d'un chemin à suivre. Exigeant, oui, mais qui a le mérite de nous en croire capable, de ne pas donner du pré-mâché. D'autant que c'est fait avec beaucoup d'humour, le tout, d'un humour intime, doux, englobant.
C'est un spectacle désarmant, surtout, que propose Mathieu Huot. Nous sommes tous et toutes des Bovary, quelque part, nous subissons chacun à notre manière le désenchantement du monde, l'attente de quelque chose de vibrant, de puissant, nous sommes des héroïnes de Flaubert. L'acteur qui est là, qui prend le plateau, ne le quitte pas, en est le point d'incandescence. Il fait, il parle, il s'agite, il se tait, il se morfond, il s'ennuie, il recommence, inlassablement, il gigote, et d'objet curieux offert à nos regards, il devient finalement (et avec une grâce folle) le catalyseur de notre désarroi, de notre peur du vide et du moyen, du quotidien, de la fadeur des plats de tous les jours. À ce moment-là, lui, se trouve à ce point de vibration tant réclamé, le chanceux.
Matthias Claeys
Bovary – fable sombre Mise en scène : Mathieu Huot Jeu : David Lelièvre Création vidéo : Julie Mouton Création musicale / chorégraphie : Sylvain Ollivier Lumières : Charlotte Gaudelus Scénographie : Aurélie Lemaignen Costumes : Patrick Cavalié Compagnie Mahu Du 1er au 4 avril – 20h (dans le cadre d'une soirée partagée) La Loge 77 rue de Charonne – Paris 11ème Métro Charonne ou Ledru-Rollin 01 40 09 70 40 - www.lalogeparis.fr