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Blog de critiques de spectacles vivants

22 Sep

ANTITEATRE

Publié par Matthias Claeys

Spectacles de Gwenaël Morin - d'après Rainer Werner Fassbinder - Théâtre de la Bastille - jusqu'au 13 octobre 2013

Gwenaël Morin revient au théâtre de la Bastille, et cette saison, c'est Fassbinder qu'il explore. Antiteatre, en hommage à l'Antiteater de l'auteur-rélisateur-comédien-metteur en scène iconoclaste. Le défi de Morin et de son équipe : traverser 4 pièces de Fassbinder en 40 jours (de répétitions). Relevé, et explosé.

Les quatre pièces, il les a choisies parce que toutes désignaient un lieu dans leur titre, ce qui constitue à peu près leur seul point commun. Anarchie en Bavière, d'abord, où la Bavière devient sous le coup de révolutionnaires un État, où un système anarchique est mis en place, au grand dam de certains des habitants. Liberté à Brême ensuite, où Geeshe essaie de s'émanciper, d'acquérir la liberté qui lui est refusée en tant que femme en prenant les chemins qui lui en empêchent l'accès. Puis Gouttes d'eau dans l'océan, coup d'essai du jeune Fassbinder de démonter les règles du théâtre bourgeois en se penchant sur la violence des rapports entre un jeune homme et son amant plus âgé. Et, pour finir, Village en flammes, ré-écriture du Fuente Overjuna de Lope de Vega, fresque espagnole où le despotisme d'un conduit les autres au cannibalisme.

Pour chacune de ces pièces, la troupe s'est accordée dix jours de répétitions, toujours ouvertes au public. Il est important de le dire non pas pour la petite histoire, mais bien au contraire parce que ce qui fait oeuvre et théâtre chez Gwenaël Morin c'est autant l'objet "fini" que le processus qui les a amenés à cet objet, que la rencontre entre les artistes, le processus, l'objet et les spectateurs. Fassbinder dans sa vie comme dans son oeuvre, c'est l'homme du débordement, du trop plein, du tous azimuts. Rien n'est dissociable de rien, rien n'a pourtant avoir avec rien, et tout va tout le temps partout. C'est ça que Morin et son équipe ont cherché, dans tout le processus, à mettre en pratique : l'urgence. Et l'urgence leur permet deux choses absolument remarquables : d'abord, la simplicité du discours et de sa mise en corps/espace/scène ; et ensuite, l'humilité. De ces deux atouts en découlent d'autres, c'est un sacré cercle vertueux qu'ils engagent, puisque ça nous permet de re-découvrir le théâtre de Fassbinder ailleurs que dans les habituelles mises-en-scène hétéro-fantasmées des Larmes amères de Petra Van Kant, ça permet d'entendre cette écriture détonnante, qui avec une simplicité et une efficacité absolues sait nous faire sauter au visage la violence, l'âpreté et le ridicule des rapports humains, et surtout ça permet comme rarement d'avoir la sensation de partager un moment avec des acteurs, avec une équipe artistique mise en branle pour que la rencontre entre le texte, leur lecture du texte et nous se fasse.

Il n'est pas utile de revenir sur chaque pièce, chacune déployant un principe simple et tenu jusqu'au bout, très efficace et intelligent, avec des acteurs parfaits. Autant insister sur ce qui rend dans le paysage actuel le travail de Gwenaël Morin et des gens qui l'entourent si précieux : c'est cette histoire de rencontre et d'ouverture. Vraiment, c'est une expérience incroyable à vivre que d'aller voir leur boulot, parce qu'ils sont là, tous, vraiment, et nous confirment que nous sommes là, aussi, vraiment. Parce que tout est simple, rien n'est grave, il n'y a que du bon à prendre, autant dans le plaisir que dans la réflexion. Ils savent trouver quelque chose de populaire dans le sens le plus noble qui soit, jamais au-dessus de personne, mais toujours avec, et accueillant. On en ressort grandi, et plus humain, aussi.

Matthias Claeys

Antiteatre

d'après Rainer Werner Fassbinder

Mise en scène de Gwenaël Morin

Avec : Renaud Béchet, Mélanie Bourgeois, Virginie Colemyn, Kathleen Dol, Julian Eggerickx, Pierre Germain, François Gorrissen, Barbara Jung, Ulysse Pujo, Nathalie Royer et Brahim Tefka

Assitante à la mise en scène et dramature : Elsa Rooke

Crédit photo : Marc Domage


L'intégrale (6h) : Les samedis 21, 28 septembre et 5 et 12 octobre à 17h

Diptyque Anarchie en Bavière - Liberté à Brême (3h) : les 18, 19, 20, 25, 26, 27 septembre et 2, 3, 4, 9, 10, 11 octobre à 21h

Gouttes dans l'océan (1h40) : les 22, 29 septembre et 6 et 13 octobre à15h

Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette - Paris 11

Métro Bastille ou Voltaire

01 43 57 42 14 - www.theatre-bastille.com
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