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Blog de critiques de spectacles vivants

12 Oct

COMME UN TREMBLEMENT DE TERRE QUI ME SERAIT PERSONNELLEMENT ADRESSÉ

Publié par Matthias Claeys

COMME UN TREMBLEMENT DE TERRE QUI ME SERAIT PERSONNELLEMENT ADRESSÉ

De Michèle Harfaut / Mise en scène de Françoise Roche / Théâtre du Temps / Du 27 septembre au 26 octobre, les jeudis et vendredis

Une femme entre dans un théâtre dont les lumières ne bougent pas, et parle, à elle, aux gens qui sont là, laisse sortir et s’échapper ce qui le peut encore de sa mémoire, d’à travers son corps, d’à travers tout ce qui s’est perdu et mélangé.

Comme un tremblement de terre qui me serait personnellement adressé est une pièce en un bloc : un endroit, une situation, un fil, une ambiance lumineuse, une déclinaison. Ça a le mérite d’être clair, de ne pas faire de détour, et d’être courageux. Le texte, a été écrit par Michèle Harfaut, et s’est construit au fur et à mesure de la création. Et ça se sent : à aucun moment le texte ne prend le dessus, n’est mis en exergue (on évite bien heureusement le : « écoutez comme il est beau mon texte ! »), ou au contraire n’est traité comme étant moins important que la performance de l’actrice. Non. Tout va ensemble, tout s’imbrique et fonctionne en un même mouvement. Et c’est la même chose pour la scénographie, ainsi que pour le travail de lumière : les choses sont faites et posées là sans cacher rien, ni appuyer quoi que ce soit, mais au contraire en créant l’espace et l’ambiance aptes à rendre notre écoute plus sensible, plus libre aussi.

Dans un théâtre, donc, qui n’en est plus vraiment un, où scène et salle se confondent, où le plastique à moitié brûlé a tout envahi, comme un lieu d’abandon, de chantier, hésitant entre la ruine et la construction, le constructible, arrive une femme dans à peu près le même état : vide, vidée, qui cherche à retrouver ce qui la remplissait, qui peut-être va se remplir d’autre choses, d’autres associations, dont la mémoire n’a plus de coutures, chez qui tout est mélangé, le réel et la fiction, ce qu’elle a vécu et ce dont elle a entendu parlé. Et on n’en saura pas plus, jamais, on ne démêlera pas le vrai du faux, on ne suivra pas un fil narratif, ou une démarche psychologisante, on ne cherche pas à mettre à jour quel traumatisme est la cause de son état, qui elle est et d’où elle vient, parce que de tout ça on s’en fout : ce qui intéresse, c’est le mouvement. Le mouvement de cette femme quand elle nous prend en compte, quand elle se referme, son mouvement quand les choses lui reviennent, et quand elles se perdent à nouveau, cet espèce de grand ressac qui semble être la seule chose à l’habiter encore. Une vague chargée d’histoires et de photos se soulève, se brise en elle, l’abandonne, et revient chargées d’autres choses.

C’est un spectacle fort, et sur un fil très tendu dont dépendent notre attention et notre promptitude à l’empathie, qui sont nécessaires à son efficacité. Un pari osé, où la pièce de théâtre n’est plus du tout une machinerie, mais se risque à la rencontre, sans fards ni éblouissements.

Matthias Claeys

Comme un tremblement de terre qui me serait personnellement adressé
De et avec Michèle Harfaut
Mise en scène : Françoise Roche
Scénographie : Fabrice Antore
Création lumière : Julien Koselleck
Du 27 septembre au 26 octobre, les jeudis et vendredis, 20h30
Théâtre du Temps
9 rue du Morvan / Paris 11 / Métro Voltaire
01 43 55 10 88 / www.theatredutemps.fr
Durée : 1H
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