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Blog de critiques de spectacles vivants

07 Nov

LES ESTIVANTS

Publié par Matthias Claeys

LES ESTIVANTS

De Maxime Gorki / De et avec les tgSTAN / Théâtre de la Bastille / jusqu’au 17 novembre

Les tgSTAN sont de retour. De retour vraiment : retour à l’esthétique qui leur est particulière, à l’envie qui parcourt leurs spectacles, l’énergie, l’ironie, la décomplexion et la puissance sourde.

Cette fois-ci, ils s’emparent des Estivants, de Maxime Gorki. Les Estivants, pour ceux qui aiment le théâtre russe de la fin du 19ème aux débuts du 20ème, ça peut être considéré comme un Tchekhov en moins bien, en moins fin, en plus brutal, plus fouillis… Les tgSTAN ne l’ignorent pas, et c’est même cette particularité, le fait d’être si clairement dans la continuité de la Ceriseraie sans jamais atteindre à la précision du geste de Tchekhov qui les fait chavirer (dans le bon sens du terme, s’entend.) Il y a trop de personnages, c’est trop bavard, les diatribes s’enchaînent, les morceaux de bravoure un peu trop appuyés, il y a quelque chose de gênant dans cette écriture, qui tient de la fureur adolescente : ça brûle trop confusément, trop vite et trop lentement, par trop de bouts : donc, il y a de quoi s’amuser, sur la forme.

Et ça permet aux tgSTAN de faire (une nouvelle fois) ce qu’ils font si bien : tout bazarder, se défaire brutalement de l’illusion théâtrale, se plonger dans la parole pour interpréter au plus près de soi, et être dans la bonhommie de l’instant.

« Je voudrais aller quelque part où vivent des gens simples et sains, où on parle une autre langue, où on se consacre à des choses importantes. »

Gorki, dans les Estivants, met en mot la décadence molle de la bourgeoisie russe de 1900, des dachkas, des maisons de campagne… Ils sont nombreux à être là, prompts à de longues discussions, à se plaindre, à se regarder le nombril, à crier au loup quand on les met face à leur inaction chronique. Les STAN secouent un peu tout ça, oublient la reconstitution historique (encore heureux) d’une gauche naissante pour jouer aujourd’hui, dans une époque aux idéaux brouillés, le spectacle de l’inaction et de la peur engourdie, de la légèreté qui danse au-dessus du gouffre. Est-ce que nous ne sommes pas tous des estivants ?

Il ne s’agit pas du tout d’accuser, de montrer du doigt, mais au contraire pour l’équipe de s’inclure dans la réflexion. Ça pourrait définir leur travail d’ailleurs : jamais se mettre en dehors, toujours plonger dedans. Et la question est juste, le rapprochement entre notre société et celle que dépeint si brutalement et un peu gauchement Gorki est troublant. Que reste-t-il de nos batailles ? Qu’est-ce qui nous anime ? Sommes-nous encore capable d’être animés ?

L’espoir est-il mort ? Ça, non, c’est sûr. Même dans la pièce d’origine, l’espoir n’est pas mort, il est féminin, il est la voix de Maria si dure et lucide, définitive, mais il est surtout celle de Varia, qui appelle au changement, à la reprise en main, à l’honnêteté, au départ.

Et l’espoir, quand les tgSTAN prennent tout ça en main, est encore plus loin d’être mort, parce qu’il y a, toujours, cette furieuse bonne humeur, cette joie à jouer, à être là, à nous dire qu’on est vivant, et que tant qu’on est vivant, c’est que du mieux est possible, toujours.

LES ESTIVANTS
Texte de Maxime Gorki
De et avec les tgSTAN : Robby Cleiren, Jolente De Keersmaeker, Sara De Roo, Damiaan De Schrijver, Tine Embrechts, Bert Haelvoet, Minke Kruyver, Frank Vercruyssen, Hilde Wils
du 30 octobre au 17 novembre 2012 / 21h
Théâtre de la Bastille
dans le cadre du Festival d'Automne à Paris
76 rue de la Roquette / 75011 Paris / Métro Voltaire ou Bastille
01 43 57 42 14 / www.theatre-bastille.com
Durée : 2h30
Crédit photo : Tim Wouters

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