NEIGES

CIE (&) SO WEITER – Yan Allegret / Mains D’œuvres / jusqu’au 25 novembre

C’est un homme, par une fin d’après-midi d’hiver, qui rentre chez lui, et d’un coup s’arrête, comme happé par le paysage enneigé. D’un seul coup complètement avec ce qu’il voit, intégré, complètement dedans lui et complètement en dehors, et qui parle cet endroit rare où il se trouve, où tout est clair, uni, et semble infini.

Yan Allegret signe ici un très beau texte, long développement d’une pensée qui se meut dans le blanc, qui se découvre en même temps qu’elle naît, qui pointe et s’arrête sur des choses sues de tout temps et qui semblent être révélées, puis plonge dans le souvenir, dans l’abstraction, dans l’interrogation du sens.

C’est lui-même qui dit le texte, parfois depuis le plateau, parfois en voix off, et c’est peut-être dans ce point que réside la seule faiblesse du spectacle. En effet, lorsque c’est la voix seule qui prend en charge la narration, comme dans une pièce radiophonique, l’esprit est plus libre de voyager dans les images superbes (j’y reviens tout de suite) qui se dessinent, mais quand le texte est dit depuis le plateau, avec un jeu qui se veut presque naturaliste, la beauté s’échappe et laisse dans un entre-deux qui ne permet ni au texte, ni aux images, ni à la création sonore le champ assez libre pour atteindre à l’imaginaire et nous permettre de nous embarquer sans réticence dans cette belle embarcation.

Si ce n’est cette maladresse, le spectacle est très beau. Accompagnant le texte, le sublimant, il y a ces images (on y revient, donc) qui se construisent doucement, feutrées : l’esthétique est ouvertement japonisante : le décor, le maître sabre, la danseuse-comédienne, les mouvements, la poésie, les lumières (magnifiques) tout est très à l’Est. Cette rencontre entre le texte qui, même s’il est contemplatif, a quelque chose de très occidental dans sa construction, dans la façon dont la pensée chemine, où le « je » est très présent et affirmé, et cette esthétique qui rappelle Dolls de Takeshi Kitano, où tout est dans le geste, dans le frottement léger de l’air sur le vêtement, sur l’objet, du pied sur le sol, dans la conscience absolue que tout est dans un infime mouvement, tout cela est très juste. Et, pour lier encore plus ce qui se lie déjà bien, pour ajouter un nouveau point de communion, il y a la création sonore, la musique du spectacle, qui mêle la guitare à des accents presque trip-hop, et qui accomplit l’envolée.

C’est un beau moment que nous propose donc la cie (&) So Weiter, un beau spectacle, qui porte très bien son titre, un spectacle qui raconte ces fois presque mystiques où le paysage alentour est en parfaite adéquation avec le paysage intime, où tout fait sens sans que rien ne soit explicable.

Matthias Claeys

NEIGES

Cie (&) So Weiter

Texte et mise en scène : Yan Allegret

Direction d'acteur : Maya Vignando / Scénographie : Damien Schahmaneche / Création lumière : Orazio Trotta / Composition musicale : Yann Féry

Avec : Yuta Kurosawa / Yan Allegret / Yann Féry / Kumi Hyodo

Du 15 au 25 novembre

MAINS D'OEUVRES

1 rue Charles Garnier / Saint-Ouen / Métro Garibaldi ou Porte de Clignancourt

01 40 11 25 25 / www.mainsdoeuvres.org

Durée : 1h

Crédit photo : (&) SO WEITER